• La formation des sages-femmes s’améliore à partir de 1803 : en effet, à partir de cette époque, celles-ci devaient suivre pendant un an des cours théoriques, mais également apprendre la pratique, non plus sur des mannequins, mais auprès des accouchées des hôpitaux. Leur formation fut renforcée en 1894 et dura ainsi deux ans. En théorie, les sages-femmes n’étaient autorisées qu’à pratiquer des accouchements naturels à mains nues, et devaient faire appel aux médecins pour les accouchements « laborieux » ou contre-nature qui nécessitaient le recours au forceps. Les sages-femmes de campagne, qui devaient faire face seules aux situations d’urgence, avaient souvent un forceps dans leur trousse. C’est d’ailleurs au début du XIXème siècle que l’on commença à se questionner quant à la naissance avec forceps, où l’on se demandait si celle-ci présentait des avantages par rapport à la naissance naturelle.

    Pendant une bonne partie du XIXème siècle, malgré une meilleure formation des soignants, les hôpitaux étaient des lieux qui n’accueillaient que les filles mères ou les femmes très pauvres, les femmes aisées préférant accoucher chez elles. En effet, les naissances étaient à cette époque plus dangereuses dans les maternités qu’à domicile, du fait des mauvaises conditions d’hygiène. En témoigne la fièvre puerpérale qui était plus meurtrière au sein des hôpitaux qu'à la maison. On pensait à l’époque que cette maladie se propageait par les miasmes, les « émanations malsaines » des corps, et on se contentait d’aérer les chambres par des courants d’air, après avoir isolé les malades. Le personnel ne portait pas encore de blouse blanche et se lavait rarement les mains, ce qui transmettait ainsi (avec les doigts, les pansements et les instruments) les germes d’une femme à l’autre. C'est Ignace Semmelweis qui comprit les causes des épidémies de ces fièvres puerpérales dans les maternités de Vienne. Après cette découverte, l'usage du phénol (un antiseptique puissant) permit une baisse considérable des décès chez la mère. Louis Pasteur, quant à lui, découvrit en 1878 l’asepsie, ce qui permit de pratiquer avec sécurité la césarienne, qui autrefois était toujours mortelle. Mais seuls de bons chirurgiens pouvaient s’en charger. Peu à peu, l’hôpital a cessé d’être vu comme un lieu de mort, mais de plus en plus considéré comme un lieu aseptisé, où l’on pratiquait une médecine qui guérit.

    L’anesthésie, qui avait été d’abord créée pour la chirurgie, fut également utilisée dans les salles d’accouchement à partir du XIXème. On anesthésiait d’abord la parturiente avec du chloroforme, mais cela compliquait et rendait parfois impossible l'accouchement. On utilisait alors le forceps pour le faciliter. Mais l’anesthésie était peu pratiquée en France car les médecins étaient conscients des effets secondaires qu’elle impliquait. C’est tout le contraire pour les femmes anglo-saxonnes, qui informées et voulant accoucher « à la reine » (En+ 1853, la reine Victoria, donna naissance à son huitième enfant sous chloroforme), sont nombreuses à la demander. Les femmes ne voulant plus souffrir, elles sont amenées à dépendre davantage du médecin, car les méthodes d’anesthésie de plus en plus sophistiquées les obligent à aller accoucher à l’hôpital.

    C’est dans les années 1920-30 que la naissance en milieu médicalisé se développe, en France comme aux Etats-Unis. Les femmes acceptent ce changement principalement car l’Etat les aide davantage financièrement au moment de la naissance. En effet, c'est au XXème siècle que l'État a pris conscience des dangers de la dénatalité. La France se dépeuplait dangereusement, le taux de natalité baissait régulièrement (21,4 en 1920 ; 14,6 en 1938). C'est ainsi que, pour stimuler la natalité, des aides pour les classes les plus pauvres furent distribuées : les femmes eurent droit à une prise en charge forfaitaire des frais d’accouchement, d’indemnités et d’allocations mensuelles d’allaitement. Autrefois un acte d’entraide ou d’assistance, l’accouchement devient donc un acte médical.

    Dans le même temps, l’hôpital lui aussi se transforme. Mais malgré des progrès évidents accomplis sur le plan de la sécurité et du confort, il gardera longtemps une image défavorable : les femmes qui en ont les moyens ont toujours une préférence pour accoucher chez elles (45 % des accouchements se faisaient à domicile en France en 1950). L’accouchement à la maison se déroule en règle générale avec la présence d’une sage-femme ou un médecin généraliste, mais dont la formation obstétricale est assez réduite (seulement trois semaines de stage hospitalier). Il était donc très difficile de faire quelque chose pour l'enfant si l’accouchement se compliquait. À la campagne, il n’y a pas de grands hôpitaux modernes. Les sages-femmes viennent ainsi au domicile de la femme qui accouche, ou surveillent les accouchements dans de petites maternités rurales avec seulement quelques lits et très peu d’équipement, où le médecin ne passe que rarement. Jusqu’en 1950, on peut donc distinguer deux pratiques : d’une part la bourgeoisie urbaine et les paysannes qui accouchent davantage à la maison, et d’autre part les femmes des classes populaires urbaines qui accouchent plutôt en milieu hospitalier. Mais à partir de 1952, les femmes commencent à accoucher de plus en plus en milieu hospitalier.

    A cette même époque, en France, a lieu une autre mutation : le docteur Fernand Lamaze, accoucheur à Paris, met au point une méthode d’accouchement “sans douleur », qui s’inspire des recherches de médecins soviétiques. Cette méthode implique une préparation psychique et physique agissant sur l’anxiété et visant à supprimer la douleur, sans l’ingestion de drogues. Bien qu’elle ait ses détracteurs, la méthode se répand dans toute la France de 1953 à 1956. Mais d’autres transformations fondamentales des pratiques de naissance (échographie, monitoring, péridurale) voient le jour au cours des années 1970-80, entraînant une médicalisation plus grande et faisant oublier la «révolution» de l’accouchement sans douleur, qui avait donné aux femmes une plus grande maîtrise sur leur accouchement.

    Salle commune de la maternité Port Royal à Paris (1910)


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