• C'est seulement durant les Temps Modernes que l'on commence à accepter le secours des médecins. On commence à entendre parler des accoucheurs, des médecins ancêtres aux obstétriciens. Ceux ci étaient encore une rareté à l'époque, et Louis XIV a agi de façon inhabituelle en appelant pour l'accouchement de sa maîtresse un chirurgien d'Arles, qui par la suite fut nommé officiellement accoucheur de la cour.

    Mais l'arrivée du médecin dans l'univers de la naissance ne s'est pas effectuée sans mal. Le tabou qu'ont les hommes de la vision du sexe féminin en dehors des rapports conjugaux leur a empêché pendant très longtemps d'assister aux accouchements, acte qui était réservé uniquement à une assistance féminine.

    Au XVIIème siècle, l'Office des accouchées de l'Hôtel-Dieu est une école de formation célèbre des sages-femmes dans toute l'Europe. A l'hôpital, l'accoucheur ne se consacre pas vraiment aux couches, il y effectue seulement quelques gestes de médecine pré-scientifique (saignées, prescriptions de régimes et de remèdes) et diffuse des rudiments de connaissances aux sages-femmes: ce sont les débuts de la collaboration entre ces deux métiers.

    Pour se faire, des manuels à l'attention des sages-femmes sont rédigés par les médecins :

    - Dans Le Jardin de roses des femmes enceintes et des sages-femmes de Eucharius Rosslin (1513/1519), on y indique que la meilleure position pour accoucher est la naissance par la tête (ce qui n'est pas une grande trouvaille), et que la seconde serait la présentation par le siège.

    - Le Traité des maladies des femmes grosses, et celles qui sont accouchées de François Mauriceau (1668) apporta des innovations à la pratique traditionnelle. On y insiste sur la nécessité de connaître l'anatomie et la physiologie, et l'accouchement dans un lit est préféré à un accouchement sur la chaise obstétrical. L'auteur analyse la conformation du bassin, les mouvements fœtaux, l'enroulement du cordon autour du cou, etc..

     

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    Chaise obstétricale, A. Paré, Œuvres, 1585

    Les écoles de sages-femmes se développent en Europe au cours du XVIIIème siècle, suivant le modèle de l'Hôtel-Dieu. La première institution de ce genre fut créée à Strasbourg en 1728, puis à Londres en 1739. En Allemagne, c'est en 1751 qu'apparurent les premières maternités à l'hôpital berlinois de la Charité.

    Bien qu'ils ne faisaient en général que transmettre leur savoir, les médecins obstétriciens intervenaient cependant quand l'enfant se présentait mal. Ils opéraient sous un drap, se fiant surtout à leur sens (et à leur science) du toucher. Leurs moyens techniques et leurs outils étaient des plus rudimentaires : les bains et les fumigations sont les rares recours dans ils disposent pour lutter contre la lenteur du travail. Les examens sont encore pratiqués, et-ce dès l'Antiquité, à l'aide d'instruments tels que le spéculum dont l'aspect témoigne de l'insuffisance des connaissances anatomiques. Le spéculum permet d'explorer une cavité corporelle par l'écartement des parois.

     

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    Spéculum, XVIème siècle

    C'est également au XVIIème siècle qu'a été inventé le forceps. Le forceps  (se traduisant en latin par tenailles) est un instrument composé de deux cuillères réunies et articulées en leur milieu. Le médecin les utilisent pour dégager plus rapidement la tête du bébé et accélérer la naissance. Le forceps obstétrical (qui a rapport aux accouchement) est un instrument conçu pour extraire ou tenter d'extraire un enfant vivant par les voies naturelles au cours du travail d'accouchement. Les instruments fabriqués et utilisés dans un autre but et notamment dans celui d'extraire un enfant mort de l'utérus maternel ne sont donc pas des forceps. En effet, il y eût beaucoup d'instruments qui, dès la plus haute antiquité gréco-romaine, furent utilisés, avec plus ou moins d'efficacité et de risques maternels, pour sortir de l'utérus maternel un fœtus décédé avant que sa putréfaction n'entraîne la mort de la mère. L'inventeur du forceps fut probablement Pierre Chamberlen, qui devint chirurgien et accoucheur de la reine Henriette, épouse de Charles Ier roi d'Angleterre et fille de Henri IV de France.  Au XVIIIème siècle, seuls les médecins avaient le droit de s'en servir, ainsi que des autres instruments. Ils en étaient d'ailleurs les seuls capables.

    Extraction d'un enfant à l'aide du forceps, 1792, Smellie

    Au milieu du XVIIème siècle, on réussit en Angleterre à provoquer artificiellement les naissances en utilisant des fumigations qui provoquaient la dilatation du col afin d'éviter les césariennes. Certes la césarienne était une méthode connue dès l'Antiquité, mais jusqu'à l'époque moderne on ne pouvait y avoir recours que si la mère était déjà morte afin d'essayer de sauver l'enfant. En cas de complication pendant la naissance, il ne restait à la sage-femme ou au médecin qu'à essayer de tourner l'enfant avec la main dans le ventre maternel afin qu'il se présente par la tête ou par les pieds.

    Les femmes dans les familles soutiennent celles qui attendent un enfant. Une certaine culture médicale est transmise par des livrets diffusés dans les villes et les campagnes par les curés. Le travail de la femme enceinte ne cesse pas. Les fausses couches à la suite d'accidents sont en conséquence assez fréquentes.

    L'accouchement est attendu avec beaucoup de fatalisme ; il se fait dans une douleur aceptée,les décès en couches se révèlent très nombreux. Les femmes accouchent chez elles. Les naissances hospitalières sont très rares et ne concernent que les plus pauvres. Les hommes sont exclus de la cérémonie. Les médecins progressistes veulent éloigner l’animation qui règne autour de la femme. “L’accouchement se fait longtemps en position assise, au lit, en tenue de jour.” Au siècle des lumières, la position allongée se répand.

    Le rôle principal est donné à une matrone de 50 ans au moins, appelée sage-femme qui intervient gratuitement. L’accoucheuse de village est prise en charge par le clergé paroissial qui veille à surveiller ses moeurs. Ensuite sages-femmes et accoucheuses bénéficient d’une formation. Les hommes sont alors acceptés. Madame de Coudray parcourt la France avec son mannequin au XVIIIe siècle. L’infection puerpérale et la mortalité périnatale resteront cependant invaincues.

    La force du sentiment religieux permet de relativiser le décès prématuré d'un enfant mais le baptême doit donc se dérouler rapidement. Les sanctuaires à répit permettent de baptiser les enfants morts pendant les quelques instants où on le croît renaître. 

     

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    Taux de natalité et de mortalité dans un quota

    de naissances effectuées par un medécin (1785)

    Portrait de Madame Du Coudray (1714 - 1789)


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